Interview Victor Dixen

Nous avons eu le privilège d'interviewer Victor aux Imaginales , et c'est avec beaucoup de gratitude que nous le remercions d'avoir pris le temps de répondre encore à nos questions et de compléter l'interview.

Merci Victor





Elaura/Kamana : Ravies de papoter à nouveau avec toi ! Tout d'abord, comment vas-tu ?

Victor Dixen : Ca va bien ! J’ai été pas mal en déplacement dans les festivals pour rencontrer les lecteurs ces derniers temps, c’est toujours très enrichissant de se rendre compte qu’il y a finalement autant de livres que de lecteurs ! Et mes nuits sont occupées à finir d’écrire le tome 3 du Cas Jack Spark, l’Hiver Nucléaire…




Elaura/Kamana : J'aime beaucoup regarder les citations du début d'un roman, je trouve qu'en général, elles sont très parlantes sur le contenu du livre. J'aime beaucoup la citation de Saint Augustin, pourquoi ce choix ?

Victor Dixen : Je suis moi aussi sensible aux citations en exergue, elles ne sont jamais innocentes. On dit que les premières lignes d’un roman (le fameux « incipit ») sont cruciales, mais que dire alors de ces citations qui viennent même avant ? Elles projettent leur halo sur toute la lecture.

En ce qui concerne la citation de Saint Augustin (On peut être cruel en pardonnant et miséricordieux en punissant)… Pour commencer, Saint Augustin est un personnage dont il est question dans l’univers de Jack Spark, il est présenté comme l’un des fondateurs des Exorcistes, ces hommes qui dès l’origine se sont battus contre la menace fée. Sa théorie des trois libidos a beaucoup influencé ma vision des Fés et de leurs insatiables appétits…

Ensuite, cette citation en particulier me semble assez bien refléter l’état d’esprit d’Exorcistes comme le révérend No ou le padre Da Silva, selon lequel « qui aime bien châtie bien ». Cette maxime m’a toujours semblé dangereuse, car elle justifie bien des exactions au nom de l’ « amour » du prochain…




Elaura/Kamana : Et pour celle de Morgane ? C'est quand même elle qui a trahi Merlin ... est-t-il question de trahison dans cette seconde saison ?

Victor Dixen : Morgane est en effet un personnage ambigu par nature, dès son origine dans les cycles arthuriens. A la fois sœur et ennemie d’Arthur, amante et meurtrière de Merlin, femme et fée : elle synthétise les contradictions d’un certain type humain qui veut réussir à tout prix dans la voie de la connaissance et du pouvoir. Pour Morgane et pour ceux qu’elle représente, la fin justifie toujours les moyens, et une trahison n’en est pas une si elle sert au final un dessein jugé plus haut ou plus noble.

La trahison est en effet un thème central de cette seconde saison. Parce que je crois que, dans toute son horreur, la trahison a tout de même cette conséquence de nous faire grandir, qu’il s’agisse de la trahison qui vient de ceux que l’on avait idéalisés, ou bien de celle que l’on commet inévitablement à un moment ou l’autre envers soi-même. L'Automne Traqué, pour les héros de Redrock, est la saison de la maturité.




Elaura/Kamana : On remarque facilement en feuilletant ces deux premiers tomes que tu utilises beaucoup d'onomatopées. C'est un procédé narratif proche de celui de la bande dessinée. Pourquoi ce choix ? Est-ce une façon de se différencier des autres auteurs ? Ou simplement un style qui te colle, qui te convient mieux ?

Victor Dixen : C’est surtout que ce ressort m’est apparu coller parfaitement à l’histoire que je voulais raconter avec le Cas. C’est-à-dire, d’abord, l’immersion dans la conscience de Jack, puis dans celle des autres personnages principaux. L’onomatopée permet de rendre les sensations sur le vif, de les faire surgir dans le texte de la même manière qu’elles surgissent dans le vécu des personnages.




Elaura/Kamana : Pour ceux qui ne connaîtraient pas tes livres, pourrais-tu nous parler un peu de Jack ?

Victor Dixen : Jack est un adolescent de 15 ans finalement assez proche des autres : il se sent différent, mal dans sa peau, pas toujours en accord avec son corps et ses sentiments – mais il essaye de faire avec et de grandir en souffrant le moins possible. Sauf que chez lui, ces différences vont s’exacerber jusqu’à devenir monstrueuses ; et la stratégie d’évitement, du « ça s’arrangera avec l’âge », qui est souvent celle de l’adolescence, ne marchera plus. Il va alors lui falloir composer avec la différence, construire sur elle, et choisir qui il veut être au lieu de subir son destin. Et bien sûr, c’est là que ça devient intéressant


Elaura/Kamana : Tu as laissé Jack et ses amis dans une situation pour le moins tumultueuse à la fin du premier tome, cela nous laisse-t-il envisager un démarrage sur les chapeaux de roues ? Va-t-on vers un rythme plus soutenu au niveau de l’action?

Victor Dixen : L’Eté Mutant était un roman introspectif, Jack étant livré à lui-même et à ses doutes sans oser s’en ouvrir aux autres. Avec l’Automne Traqué commence une nouvelle saison de responsabilités. Il ne s’agit plus seulement de se sauver, mais de sauver le monde. On prend conscience de l’écoulement tragique du temps, du tic-tac du destin, et des choix qui sont toujours aussi des renoncements. Grandir, c’est comprendre qu’on ne peut vivre que dans l’urgence. L’Automne Traqué est nourri par cette conviction : c’est une course contre la montre.




Elaura/Kamana : On remarque une évolution dans la saison 2. L'ambiance un peu horrifique proche de la Hammer de la première saison laisse place à quelque chose plus proche de la SF. Est-ce un genre que tu affectionnes ?

Victor Dixen : J’aime toutes les littératures de genre parce qu’elles ne sont pas seulement descriptives, mais qu’elles assument un vrai parti pris, une vraie vision du monde. Simplement, je crois aussi que cette vision du monde peut être amenée à évoluer, au cours d’une vie, d’un parcours. Comme le Cas raconte le parcours de Jack, j’ai trouvé intéressant de faire évoluer mes références d’un tome à l’autre. A l’esprit thriller futuriste urbain de l’Automne Traqué succédera l’ambiance franchement post-apocalyptique de l’Hiver Nucléaire.




Elaura/Kamana : Jack découvre l'amitié dans la première saison du Cas. Il en est d'ailleurs étonné lui-même. Ces copains le suivent, l'acceptent tel qu'il est, malgré la menace qu'il représente. Est-ce quelque chose que tu as vécu toi-même ? Ou est-ce une image fantasmée de l'amitié ?

Victor Dixen : Je crois que le propre de l’amitié – et c’est là sa grande différence avec l’amour – est d’éviter le fantasme pour envisager les êtres tels qu’ils sont. C’est pour cela que l’amitié est en général beaucoup plus pérenne que la passion. Nous vivons dans une société performative qui nous pousse à nous mettre la barre très haut, et il y a de quoi être surpris quand on s’aperçoit que nos amis nous acceptent tels que nous sommes, avec ce que nous considérons comme nos défauts, sans nous demander de changer. En tout cas, c’est quelque chose que j’ai vécu et que je vis encore.


Elaura/Kamana : Qu'est-ce-qui fait de Jack un être exceptionnel pour toi ? Sa nature ou son combat ?

Victor Dixen : Les deux. Sa nature est évidemment exceptionnelle, c’est le cœur du récit. Mais de la même manière que la nature intime de chacun est un mystère sans fond (on le soupçonne au moins depuis Freud) – ici, le recours au fantastique me sert à explorer ce mystère de l’identité.

A mon sens, ce qu’il y a de plus exceptionnel encore que d’essayer de connaître sa nature, c’est de tenter de la changer, de devenir ce que l’on veut vraiment être.




Elaura/Kamana : Jack sera-t-il en paix avec sa nature un jour ?

Victor Dixen : Cf question précédente ;-) Je ne sais pas si pour lui l’enjeu est d’être en paix avec sa nature, de l’écraser pour lui imposer sa loi, ou de trouver un compromis entre les deux. En tout cas, la question me semble passionnante !




Elaura/Kamana : Le titre du 3ème tome est "Hiver nucléaire" c'est bien ça ? Sans trop en dire qu'évoque le terme 'nucléaire' ?

Victor Dixen : Cela fait référence à une théorie des climatologues selon laquelle une guerre nucléaire à large échelle plongerait la planète dans une nouvelle ère glaciaire. Quand je vous disais qu’il serait question de post-apo dans le tome 3 ^^ !




Elaura/Kamana : Sa sortie est-elle programmée ? Si oui, prends-tu toujours autant de soins pour le choix de la couverture et des clips de promo ?

Victor Dixen : La sortie est prévue tout début 2011. Comme pour moi l’univers visuel est très important (on me dit que ça se ressent dans mon écriture), j’accorde un soin particulier à la couverture et au matériel promotionnel. Nous travaillons avec un nouvel illustrateur pour ce troisième tome, et ça se passe très bien ! Je devrais aussi remettre la main à la pâte pour quelques illustrations intérieures, comme pour le tome 2.




Elaura/Kamana : Aurais-tu quelque chose à ajouter ? Le mot de la fin ?

Victor Dixen : Il n’est pas encore écrit, heureusement !



Merci Victor de prendre le temps de nous répondre et de jouer le jeu de l’interview encore une fois ;-)

J'adore, comme toujours

Excellent!
Merci beaucoup!!!

Chères amies, chers amis de Bit-Lit

Après une trop longue absence, me voici de retour pour vous présenter la couverture de la 3ème saison du Cas Jak Spark, l'Hiver Nucléaire, qui sort le 24 février en librairies.
Un hiver dont j'émerge transi, fourbu après des mois d'écriture, mais heureux. C'est étrange, j'ai terminé le manuscrit alors que la France essuyait son hiver le plus rigoureux depuis des décennies...
Hasard ou coïncidence ?

A bientôt en tout cas, sur le forum et je l'espère à Epinal !

Victor
[img][/img]

Merci pour cette info. J'ai hâte de lire ce tome 3 pour ma part! :)

J'aime beaucoup la couv en tout cas ^^

Et oui, nous serons à Epinal, on se retrouve donc bientôt là bas