Tome 5 : Eloïse

Après la disparition tragique de sa femme, sir Philip est totalement désemparé. Comment va-t-il faire pour élever ses enfants qui ont souffert de la maladie de leur mère ? Comment leur apprendre la tendresse, lui qui ne sait pas exprimer ses émotions ? Pourquoi ne proposerait-il pas le mariage à Miss Bridgerton, avec qui il entretient une relation épistolaire ? Surprise, mais en même temps troublée, Eloïse, qui ne fait rien comme tout le monde, quitte Londres en secret pour rejoindre dans son manoir cet homme qu'elle n'a jamais vu.

Avis de Domino

Julia Quinn dans ce nouvel opus de sa Chronique des Bridgerton est au sommet de sa forme et de son art et ce roman est un véritable feu d'artifice. On rit beaucoup tout en étant ému plus souvent qu'à son tour.

La délicieuse Eloïse est au centre du roman. Le mariage de sa très chère amie  Pénélope l'a profondément déstabilisée, faisant surgir des sentiments inavouables et peu glorieux. Totalement déboussolée, elle se lance dans une aventure socialement suicidaire en débarquant dans la vie d'un homme qu'elle n'a jamais vu et qu'elle ne connaît qu' à travers la correspondance qu'ils échangent depuis un an. Eloïse croit connaître Philip tout comme ce dernier croit l'avoir cernée.

La réalité est toute autre et malgré un an d'échanges épistolaires assidus ce sont deux étrangers qui se rencontrent. Philip découvre abasourdi que la vieille fille au visage chevalin qu'il imaginait est une ravissante jeune femme des plus bavarde tandis que de son côté Eloïse apprend l'existence de jumeaux de 8 ans, dont leur père a malencontreusement oublié de lui signaler l'existence. Ces enfants sont d'authentiques petites terreurs, à l'origine de véritables catastrophes générant des scènes du plus haut comique ou particulièrement poignantes. Ce quatuor est une merveilleuse trouvaille que Julia Quinn exploite brillamment.

Cependant, à côté des scènes cocasses, d'une drôlerie irrésistible, le désespoir, la tristesse portés par le héros, Philip, introduisent une très forte charge émotionnelle.  C'est un être tourmenté, ses gaffes à répétition soulignant astucieusement la dimension tragique du personnage hanté par la culpabilité et la terreur de ce qu'il pourrait être. Eloïse fait face avec panache,  assume avanies et rebuffades tourneboulant à jamais Philip. La luminosité d'Eloïse, sa profonde bonté mais aussi son espièglerie répondent parfaitement aux tourments de Philip chacun mettant en valeur l'autre.

Julia Quinn dans ce roman nous embarque pour un tour de grand huit émotionnel. On hurle positivement de rire avant de se surprendre à renifler discrètement en lisant une scène des plus émouvante. Julia Quinn a un rare talent pour faire passer le lecteur du rire aux larmes en quelques phrases voire parfois en quelques mots. Sa langue précise cisèle des dialogues savoureux  ou émouvants  tandis que son style aérien et  fluide fait de cette lecture une véritable fête.

Ce cinquième tome de la série de La chronique des Bridgerton est le moins bon pour moi. Eloise, que l'on avait découvert dans les tomes précédents, entretient une relation épistolaire avec Sir Phillip, un père de famille, veuf. Lorsqu'il lui propose de l'épouser, elle décide sur un coup de tête de le rencontrer en face à face. Sauf que le monsieur ne ressemble pas à ce qu'elle s'était imaginé. Mais maintenant qu'elle est sur place, autant essayer de se donner une chance.

Quelle déception ! Surtout du côté de l'héroïne, Eloise Brigerton, que le lecteur avait découverte spirituelle et amusante. Dans ce tome, c'est comme si l'auteur nous offrait un tout nouveau personnage, moins intéressant et charmant que le premier. Eloise semble un peu effacée et face à la situation dans laquelle elle s'est mise, il aurait été plus passionnant de la trouver plus combative et brillante. Elle disparaît presque derrière le héros et ses deux enfants. D'ailleurs l'histoire d'amour n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre.

Ce cinquième tome est une grosse déception pour ma part. Heureusement que le tome suivant est déjà disponible pour nous faire oublier tout ça.